La vie a besoin de la mort pour être précieuse. [P.V Hyden, Goro et Ace]

Comme je m'ennuyais ! L'arche de Noé était vraiment d'un ennui… mortel. Même ma Chambre, si divertissante pourtant m'ennuyait. En fait, c'était normal. Cette salle de torture où d'ordinaire j'adore y faire échapper de longs et puissants cris de souffrances de la part de mes victimes était devenu si silencieuse et calme qu'il me fallait repartir à la chasse aux joujoux. Hé oui ! Vous pensiez que le Sadique s'amusait aux cartes à ses heures perdues ? Hé bien non, détrompez-vous ! Le Sadique n'a pas d'heures perdues, en fait. Enfin, cela dépend de quel côté l'on se place. Certains diront qu'il perd constamment son temps car il ne fait rien d'autre que torturer, tuer et rire. Mais c'est horrible, vraiment ! D'autres vous diront qu'il ne perd jamais de temps parce que c'est pour ça qu'il est sur Terre, après tout. Pour répandre la souffrance et faire comprendre aux gens ce que c'est que la vie, en fin de compte. Enfin, tout ça pour dire qu'il me fallait à ce moment de nouvelles victimes. Le problème c'est que depuis mon combat contre les Maréchaux, je ne suis pas à cent pour cent de mes performances, et un trop grand nombre de proies risqueraient de m'échapper. Alors il me fallait un Frère pour m'accompagner. Je savais de mes Sœurs ici qu'elles n'étaient pas majoritairement sadiques, et ne sauraient alors pas profiter de mon art comme il se doit.

Il y en avait un là, qui trainait dans les couloirs. Un descendant de Noé assez jeune accompagné d'un golem bien rigolo. J'espérais qu'il était un brin sadique. J'allais lui apprendre, de ce fait, les ficelles du métier. Et d'aucun droit je ne le laisserais donner son avis sur la chose. J'avais besoin de lui et c'est tout. Je m'approchai alors à grands pas et lui expliqua rapidement la situation.

Salut petit. Dis-moi… Ça te dit une petite chasse à l'homme pour ma Chambre ?
Hihihi ! Je t'apprendrai tout ce qu'il y a à savoir sur les meurtres et tout ce que cela implique.
Tu sais, le genre de connaissances qui feront de toi, tout autant que moi, un descendant digne de Noé.
Et puis tu sais… tu n'as même pas de réponse à me donner ! Hihihi !

J'attrapai son bras sauvagement dans ma forte poigne et l'embarqua avec moi jusqu'à la porte de l'arche. Sans que je prenne la peine de choisir une destination, je nous fis pénétrer dans la porte. Il n'y avait pas besoin de savoir où aller pour trouver des proies. Tout être humain était égaux face à la douleur. Il n'y avait rien de plus à savoir sur l'existence humaine. Ainsi nous atterrissions dans un pays inconnu où régnait une chaleur étouffante. Drôle d'idée que d'aller ici. Qui avait donc programmer la porte de l'arche ? Il faut être complètement fou pour avoir envie de se retrouver dans un tel endroit. Mes yeux mirent quelques secondes pour s'habituer à la lumière environnante, baignant tous les alentours d'un blanc radieux et pur. Dégoutant. J'allumai alors une cigarette et commençai à marcher dans cette ville inconnue.


Nous marchions sous la pénible couette de chaleur qui nous étouffait. Mon manteau était lourd et mes blessures semblaient me faire plus souffrir qu'en température ambiante. Autour de nous s'étendaient des corps endormis de sans-abris démunis. Ils se déshydrataient peu à peu. Certains avaient l'intelligence de rester à l'ombre. D'autres non. Il régnait dans cette ville un air de pauvreté, d'insalubrité, de maladie et d'agonie permanente qui accroissait en moi ce doux sentiment d'excitation. Je souriais grand, de plus en plus grand, au fur et à mesure que nous avancions devant les yeux ébahis de la population dont le regard tombait sur ma laideur. Je sentais tout autour de moi l'atmosphère devenir plus pesante, comme si la peur que j'inspirais aux gens s'évaporait d'eux pour combler l'air et le rendre plus lourd. C'était si bon. J'espérais intérieurement que mon compagnon de route ressente toutes ces petites émotions.

Tu sens la peur, l'angoisse et le dégoût ? Hum ? N'est-il pas délicieux d'avaler à grandes bouffées
cet air de terreur qui complète la misère de cette ville ? Hihihi !

Du bruit se fit entendre dans une petite ruelle ombragée, qui débouchait sur une porte en taule à moitié pourrie par le temps et le vandalisme. Je souriais sadiquement. Vraiment sadiquement. Vous savez ce que c'est ? Ces yeux plein de cruauté qui s'affichant sous des sourcils baissés et un sourire fin mais prolongé, bien que le mien fusse toujours le même qu'avant. Au moins moi-même, je savais comment j'étais censé sourire. J'aurai de toute façon ma vengeance un jour. Je restai silencieux et fis un signe de la main à mon confrère pour qu'il me suive. Il faisait plus frais à l'ombre, c'était très agréable. J'avais l'impression d'être un policier à la poursuite d'un criminel qui se trouverait à la fin de son enquête, derrière la porte où il coincerait sa cible. Ou alors, j'étais comme un criminel qui préparerait son plan machiavélique en tête pour tuer ceux qui se trouveraient de l'autre côté, accompagné de son fidèle acolyte dont le casier judiciaire allait rapidement être taché de rouge. Sauf que moi, j'étais un Noah accompagné d'un confrère Noah, en route pour tuer. C'est tout. Et nous étions supérieurs à ces misérables insectes qui se trouvaient là, tous regroupés dans la fraicheur du ghetto, qui nous dévisagèrent comme s'ils avaient vu des fantômes. Je supposais que le principal acteur de cette réaction était moi, étant donné le naturel et l'élégance de mon Frère. Mais je ne me lassais pas de ces expressions surprises, dégoutées et terrifiées. C'était plus plaisant encore que de se faire respecter.

Ils ne disaient mot. Le vent ne soufflait pas, seul semblait crépiter le sol dégageant sa fumante chaleur, tout aussi bruyant que le tabac incandescent de la cigarette que je m'allumais, laissant échapper toute la fumée par les trous de mes joues. Spectacle d'épouvantes pour des humains terrifiés. Un mètre quatre-vingt-dix de terreur, c'est bien compréhensible. Certains commençaient à se lever pour fuir, comme si de rien n'était. Genre. Ça se remarque bien, un peureux qui fuyait en restant le plus naturel possible, parce que se forcer à être naturel est en soi une forme d'hypocrisie. Et démasquer l'hypocrisie, c'est bien mon truc.


Tandis que mon rire strident se répercutait en écho dans l'espace éclairé par la seule ouverture que l'on avait ouverte, mon ombre s'élança en même temps que mon corps sur la population squattant ces lieux malfamés. Ils n'avaient pas le temps de comprendre ce qui leur arrivait. Mon manteau flottait autour de mon corps en mouvement dans les cliquetis incessants de mes armes de métal ornant l'intérieur. Je tournais sur moi-même tel un grand guerrier, agile et rapide, mettant ci et là des coups de couteaux. Trente secondes suffirent et j'arrêtai ma petite danse. Les corps étaient tous au sol. Sur la dizaine présente, deux semblaient déjà mort, les corps couverts d'entailles et de sang coulant à grand flot. Les autres gémissaient d'agonie. C'était si bon ! Oh oui, si bon !


L'un de mes quatre, je le fis plus crier en lui taillant les joues en un magnifique sourire. Quelle idiotie de crier pour cela. Imaginez, voulez-vous ? On vous taille légèrement le coin de la lèvre… Vous criez… Que se passe-t-il ? C'est simple, votre joue se déchire si vous l'ouvrez trop fort. C'est un peu ce qu'il se passa avec mon petit jouet. Puis pour l'achever, je l'éventra sur toute la largeur de son ventre. C'était si bon de sentir la lame découper la chair et s'inonder d'un sang bouillonnant sous cette insupportable chaleur.

Le deuxième, dont le bras semblait en grande partie ouvert, tentait de fuir à genoux, dos à moi pour survivre. Grossière erreur… Hihihi ! Il me suffit de quelques pas pour le rattraper. Je restai derrière lui lorsque j'attrapai entre mes mains ses frêles poignets couverts de sang. Je logeai un de mes pieds entre ses deux omoplates et appuyai ici tandis que je tirai sur ses bras de toutes mes forces. Au bout d'un petit effort de longs cris d'agonies, je sentis les épaules du pauvre jeune homme se déboiter. Les omoplates s'étaient également déplacées un peu étrangement. L'homme tomba à terre lorsque je lâchai mon emprise. Il hurlait le martyr sans pouvoir bouger les bras. Il ne pouvait plus se relever, la douleur l'empêcher de bouger de toute façon. C'était si bon. J'étais fier de mon art. Pour le finir, tandis que ses cris prenaient de plus en plus d'ampleur et que ses yeux convulsaient à cause d'une trop forte dose de souffrance, je lui plantai simplement un de mes poignard dans le crâne. C'était rapide et efficace, mais la sensation de la lame brisant les os et perforant la cervelle était d'un délice exceptionnel.

Le troisième, qui restait couché par terre en gémissant, visiblement amoché sur ses bras et le visage, j'utilisai mon couteau à dent pour extirper doucement ses boyaux. Et pour le quatrième, un bon coup de pied à l'arrière de sa nuque eut raison de lui en un rien de temps. Voilà mon travail achevé, j'entassai mes œuvres d'un côté et rassemblai les futures victimes de mon compagnon qui se mit rapidement au travail. Quel délice ! Quel extase de voir la souffrance ! De la lire dans les yeux, de l'interpréter dans les cris, de la sentir dans le sang. C'était le paradis rouge qui s'offrait à nous.


Je n'eus pas le temps d'entendre sa réponse qu'un bruit de pas résonna quelques mètres derrière la porte. J'entrainai mon jeune ami au milieu de notre chef d'œuvre et le couchai ici, faisant semblant d'être mort. Quelques instants suffirent pour faire fuir l'arrivant qui n'a probablement pas supporter la scène. Heureusement que l'obscurité de la pièce permettait à sa vision d'être incertaine, sinon il aurait vu les deux êtres encore vivants dans la scène et on aurait été obligé de le descendre.


Je ne pus terminer car une secousse se fit ressentir sous nos pieds. Quelque chose était en train de se produire, et ce n'était pas naturel. La force divine se faisait ressentir jusqu'aux méandres de cet enfer où nous étions masqués dans l'ombre. Nous marchâmes alors jusqu'à la source de la secousse. C'est bien simple : toute une église effondrée ! Un véritable chef d'œuvre ! Ça me rappelait mon massacre à l'abbaye d'Angleterre tiens ! L'Œuvre d'un Noah sans doute, je tenais à le féliciter. Mais de loin, je compris rapidement que je n'en aurais plus l'occasion. Celui qui était debout n'était pas un Noah. Il dégageait une telle puanteur qu'il ne pouvait s'agir que d'un Exorciste. Néanmoins, le tas informe semblable à de la cendre modelé, nous pouvions sentir l'éloignement du pouvoir de ce Noah. Il avait été vaincu.


Lançant mon rire de hyène, je m'avançai à grand pas vers l'Exorciste. Il allait simplement payer pour son méfait. L'heure était venue pour Goro de montrer qu'il avait une once de cœur, tourné vers sa Famille. Il ne partira pas d'ici avant d'avoir put crier vengeance. Pas question de fuir, cette fois-ci. Tant pis pour les blessures et l'incomplète remise en forme. S'il devait perdre la vie pour l'honneur de son Frère mort, qu'il en soit ainsi. Par ailleurs, il se devait de protéger le jeune qui l'accompagnait, en espérant que celui-ci possède encore plus de pouvoirs que ceux qu'il a pu manifester.

La glace. Voilà un bon élément que ce gamin développait. La façon dont il avait tué les personnes dans le ghetto laissait imaginer un futur combat extrême et intense. D'autant plus que le corps en cendre de notre ancien frère tendait à faire penser que cet Impur maitrisait le feu. Et tandis que je marchais dans sa direction, je me mis à sourire. J'avais réussi à survivre et à blesser assez violemment à une Maréchale qui contrôlait le feu aussi… ça ne devrait pas être ben différent. Ce serait même plus simple ici. À moins que la Congrégation a décidé de réellement me faire chier et que chaque Exorciste que je croise sera un Maréchal aux pouvoirs absolument démentiels. Enfin bon. Qui vivra verra. Et lui, il allait pas voir grand-chose encore bien longtemps. Hihihi !

Et il avait pas froid aux yeux, le bonhomme ! Et ce n'a aucun rapport entre le fait qu'il maitrise de feu, source de chaleur, et que la dernière Exorciste qui possédait un tel pouvoir avait son feu dans son œil. Mais là je m'égare. Et là, là on comprenait la stupidité pure et simple des Exorcistes qui ne connaissaient absolument pas le sadique que j'étais. Au fond, la mort de mon frère me causait de la peine, et chaque Noah existant dans le monde devrait en ressentir la souffrance. Mais justement, chaque personne ressentant la souffrance était pour moi une source d'énergie infernale. Et puis moi vous savez, je voulais simplement torturer et tuer hein. Pour une vengeance, il fallait s'adresser à mon petit compagnon… Hyden. C'est pas son prénom que je voulais, mais son Sentiment. Tant pis, son prénom se suffira pour le moment. Je jubilais à l'idée de le voir en action. Le feu contre la glace. C'est le jour contre la nuit, le yin et le yang qui l'un sans l'autre n'est rien mais ne peut supporter l'autre présence. Ça va être un gros bordel quoi. Et lui non plus n'avait pas froid aux yeux ! Il était plaisant de voir un Noah qui n'avait pas perdu tout sens de l'honneur, de la famille et de la mort. Non mais oh ! On est pas des lopettes, et pourtant tous ceux qui craignent l'avenir proche ont fui, vont fuir ou se terrent déjà dans les méandres de l'Arche. Ils ne comprennent pas qu'importe leur cachette, nous finirons pas les retrouver. Tel est notre destin. Mais là, on s'en foutait bien des autres Noah, seuls comptaient Hyden et moi, face à un espèce de con. Cet espèce de con qui eut d'ailleurs l'indécence de parler. Alors sans m'intéresser à ce qu'il disait, je répondis à celui qui m'accompagnait.


Mais un petit mot attira mon attention de nouveau sur l'Exorciste. Il avait activé son Innocence. Le combat était imminent. Un choc de titans qui allait mettre la ville à feu et à sang. Trois pouvoirs qui se confronteraient dans la survie de leurs croyances et leurs espèces. C'est dingue comme un combat était important. Mais bon, on s'en fout. Un combat restait un combat. Alors j'enfouis mes mais sous mon long manteau rouge de cuir, et en ressortis un épluche-légumes, et ma machette. Je ne savais pas ce que j'allais en faire, honnêtement. Mon nouveau jeu était de prendre mes armes au hasard. Ça donnait plus de piquant au combat. Oui je ne suis pas raisonnable, c'est vrai. Je suis même incorrigible. J'ai failli crever à cause de mon manque de sérieux dans le combat d'Australie, et voilà que je n'en tirais aucune leçon. Mais qu'y aurait-il de plaisant dans la stratégie ? Connaitre ce que l'on va faire en avance c'est bien, quelques fois efficace, mais une part de mystère devait être conservée pour mieux profiter de la douceur irritante et l'enfer paradisiaque de l'éreintement d'un combat.

Je n'eus pas l'occasion de débuter les hostilités. Le Misérable s'en chargea bien aisément de lui-même. Un bruit de mitraillette, et un nuage de boules de feu qui s'approchait de nous bien trop rapidement. En fait, je parle beaucoup, parce que j'ai à peine eu le temps de sortir mes armes que je me suis mis à courir de côté pour esquiver les obus. J'étais assez rapide visiblement, bien qu'une ou deux m'avaient frôlé le manteau qui volait un peu derrière moi comme la cape d'un super-héro au secours d'une demoiselle en détresse. Voilà que j'avais tracé un demi-cercle autour de l'Exorciste pour sauver ma peau. Ça commençait bien. Je rigolais doucement. Après j'ai pas tout compris, j'ai senti qu'on empoignait ma tête pour l'avancer et la relâcher aussitôt. Un pic de glace était du à cette étreinte brisée. En gros j'aurais pu crever. Il me fallait être plus attentif.

Heureusement, je pus voir arriver la prochaine attaque. Il avait enflammé son bras et frappa l'air. Comme dans le prolongement de son mouvement, les flammes filèrent dans l'atmosphère, droit sur moi. Je me mis à déchirer l'air perturbé de cette ville en grande chaleur de mon rire de clown décharné. Il n'avait rien d'autre à me proposer ? Dans un horrible bruit de craquement, mes épaules entrainèrent mes bras à se mettre droit et perpendiculairement à mon dos, les mains bien à plat. En une seconde, j'avais plié les genoux dans le sens contraire à la normale et me laissa tomber en arrière. Et voilà que je me retrouvai à "quatre pattes" par terre, mais avec le torse et le visage vers le haut, bien à l'inverse de ce que toute autre personne peut faire. La boule de feu passa ainsi juste au dessus de moi. Je sentais sa chaleur me lécher le visage et entendais quelques cheveux brûler sous le souffle chaud qu'exerçait l'attaque. Et je me laissai tomber au sol, simplement couché. Je ris doucement. Puis de plus en plus fort. Enfin je partis dans un fou-rire monstrueux qui faisait trembler l'atmosphère tout autour de moi. Il m'a fallu du temps pour me calmer, je ne savais pas ce qu'il s'était passé durant ce laps de temps. Probablement celui qui m'accompagnait avait effectué une attaque.

Enfin je me relevai et vis le combat entre le feu et la glace. C'était sympa de m'avoir laissé récupérer un peu. Même si en fait, j'en avais pas besoin. Ce combat allait être complètement fou, je le sentais bien. Une main plongée dans mon manteau, je rangeais l'épluche-légume, que je me réservais en général pour les véritables tortures plus que pour les combats, et sortis à la place une petite grenade. Hin hin hin ! Je la dégoupillai rapidement et la fis… malencontreusement tomber entre les deux combattants. Et puis, j'ai rigolé un peu.


Je m'éloignai de la zone à risque à pas de loup, complètement envieux de prendre ce combat à la légère. Il allait mieux couler et je ne m'énerverai pas, comme ça. Lorsque l'explosion souffla tout dans un petit périmètre. J'applaudis et criai.